Apparue au mois d’août 1614 comme un coup de tonnerre et annonçant publiquement pour la première fois l’existence de l’Ordre de la Rose-Croix, la Fama Fraternitatis n’a pas cessé jusqu’à nos jours, d’intriguer et de susciter l’intérêt d’historiens, d’exégètes, et de chercheurs, quatre cents ans après sa publication en Allemagne, à Cassel, sur les terres de l’érudit landgrave Maurice de Hesse-Cassel (1572-1632), protecteur des alchimistes.
La diffusion des écrits rosicruciens en Europe
Publiée en cinq langues, selon ce que rapporte le texte lui-même, la toute première édition de la « Fama Fraternitatis de l’illustre Ordre de la Rose-Croix » est adressée à tous les savants et souverains d’Europe … » mais aussi aux esprits aigus, érudits ou non.
Anonyme, elle avait d’abord circulé dans les années 1610-1613 sous forme de manuscrits, dont il subsiste encore certains exemplaires. Adam Haselmeyer (1562-1630) s’en fit l’écho et l’approuva. Suivies d’un grand nombre de textes, réponses approbatrices ou critiques, la Fama Fraternitatis ainsi que la Confessio Fraternitatis, sa suite parue en 1615, firent l’objet entre 1614 et 1617 d’une dizaine d’éditions en allemand, latin et néerlandais, publiées successivement à Cassel (5 éditions de 1614 à 1616), Marburg (1 édition en 1615), Francfort (2 éditions : 1615 et 1617), Dantzig, l’actuelle Gdansk, (1 édition en 1615), Amsterdam (1 édition en 1615). Ces toutes premières parutions ont été suivies, du XVIIe au XXIe siècle, de multiples rééditions et traductions, tant en allemand qu’en anglais, espagnol, français, italien, néerlandais, russe, cette liste n’étant pas exhaustive.
La proposition d’un projet de réforme de la philosophie et de la science
La Fama, dans certaines de ses éditions, était précédée, sous le titre modifié de Réformation Générale et Universelle du Monde tout entier…, d’un chapitre des Nouvelles du Parnasse, satire de Traiano Boccalini (1556-1613), parue en 1612. Or, il ne s’agit pas, dans la Fama Fraternitatis, de réformer le monde en tant que tel. Il y est par contre question de la réforme de tous les « Arts » considérés alors comme déficients, en ce sens qu’ils ne sont pas basés sur des lois et des principes universels, ou, pour reprendre les termes de la Fama, sur de nouveaux et infaillibles axiomes, issus de l’observation et de l’expérimentation, et non pas de la seule spéculation.
La présence de Rosicruciens dans divers pays, attestée par des auteurs critiques
La Fama reçut un accueil favorable de la part sans doute d’un plus grand nombre que celui que l’on peut déduire des diverses réponses et « adresses » connues, rescapées du temps ou de la destruction. Envoyées alors par ceux qui le découvraient et chez qui son message trouvait une résonnance intérieure, ces réponses et adresses étaient bien destinées à l’Ordre de la Rose-Croix, Ordre dont le médecin Nicolas Wassenaer, bien que faisant partie des auteurs qui diffusaient des critiques à son égard, avait relevé l’existence en 1624, dans son Wassenaer’s Historich Verhael, en Angleterre, en Hollande, en Italie, en Espagne, en France, en Pologne, en Flandre, en Franche-Comté.
En témoignent par exemple : pour l’Allemagne, l’Assertio du 22 septembre 1614 d’un certain « B.M.I. » que mentionne Michael Maier dans ses Symbola Aureae Mensae de 1617; pour la France, l’affiche placardée en deux temps aux carrefours de Paris en 1623, affiche non moins énigmatique, et non moins inspirante pour qui sait lire entre les lignes, que reproduisit pour la première partie, cette même année, Gabriel Naudé (1600-1653), érudit à l’origine de la Bibliothèque Mazarine à Paris, dans son ouvrage Instruction à la France sur la Vérité de l’’Histoire des Frères de la Rose-Croix, et l’abbé Lenglet-Dufresnoy (1674-1755), dans le premier tome de son Histoire de la Philosophie Hermétique en 1742, pour la seconde partie.
Face aux attaques dont il était l’objet, l’Ordre fut, avec force, défendu par Michael Maier, dans son Silentium Post Clamores […] , paru en allemand et en latin à Francfort, en 1617, et Themis Aurea, hoc est de Legibus Fraternitatis R.C. tractatus (Themis d’Or, c’est-à-dire Traité sur les Lois de la Fraternité R.C.), paru en latin à Francfort d’abord en 1617 puis en 1624, en allemand en 1618, puis en anglais à Londres en 1656, ouvrages récemment traduits l’un et l’autre de l’allemand en français. Il le fut également par Robert Fludd (1574-1637), auteur de Tractatus Apologeticus Integritatem Societatis de Rosea Cruce Defendens, (Traité Apologétique défendant l’intégrité de la Société de la Rose-Croix), Leyde, 1617.
La Rose-Croix était bien un Ordre
D’aucuns ont prétendu (et prétendent encore parfois) que la Rose-Croix ne fut jamais un Ordre. Or, à commencer par la Fama Fraternitatis elle-même, dans les pages de titre ou à l’intérieur de nombre d’ouvrages de l’époque, au moins 34 de 1614 à 1624, il est question du « louable Ordre de la [ou du] Rose-Croix », ou de « la Fraternité de l’Ordre de la Rose-Croix », etc., et non de la seule « Société » ou « Association » ou « Fraternité de la Rose-Croix ».
Par le Service des Archives de l’A.M.O.R.C.,
extrait de la revue « Rose-Croix »
n°250 – été 2014