Nicolas Roerich et le « Pacte de la paix »

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C’est au mois de novembre 1929, dans la revue américaine rosicrucienne, le Rosicrucian Digest, qu’est mentionnée publiquement, et pour la première fois,  l’affiliation de Nicolas Roerich à l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix.

Promouvoir la Paix 

Habité par une très grande spiritualité, le « Frère Roerich », comme l’appelait Harvey Spencer Lewis, était un infatigable promoteur de la paix, des arts et de la culture. Membre de la société russe d’archéologie, Nicolas Roerich s’engagea dans un voyage au cœur de la Russie en 1904. Le but de ce périple étant d’étudier et de recenser les vestiges anciens et leurs architectures, c’est au terme de cette étude, devant la Société des Architectes et des Artistes de Saint-Petersbourg, qu’il prononça un discours exhortant les responsables nationaux à sauver les trésors du patrimoine russe de l’abandon.

La première guerre mondiale en Europe et les bouleversements politiques que connaît la Russie réduisent à néant quantité d’archives anciennes et autant d’œuvres artistiques séculaires. Profondément marqué par ce désastre tant humain que culturel, il mûrit une idée, acquise il y a longtemps, empreinte à la fois d’humanisme et d’utopie, et en laquelle il place tous ses vœux les plus fervents. Il conçoit l’ébauche d’un pacte de dimension internationale qui, assorti d’une bannière à l’ornementation unique, permettrait d’engager chaque nation dans une voie d’amnistie dès lors qu’il s’agirait de culture, d’art, ou d’institutions éducatives. Par une prise de conscience générale, les peuples protégeraient alors, indépendamment de toutes notions de race, de culture, ou de religion, les fruits du génie humain. Et en cas de conflit, les nations belligérantes sensibilisées à cette protection épargneraient alors de la destruction tous les édifices arborant cette oriflamme.

Enrichie d’une devise, « Pax Cultura », la célèbre « Bannière de la Paix » dessinée par Roerich, est constituée de trois points rouges enchâssés dans un cercle plus grand sur fond blanc. La symbolique de cette oriflamme a alimenté beaucoup de fantasmes. Pourtant, comme le souligne le mystique russe lui-même, ce symbole s’est inspiré d’un pétroglyphe qu’il  a  découvert gravé sur des rochers en Mongolie, dans le cadre de ses recherches archéologiques. Nul ne pouvant s’en réclamer, ce symbole est donc universel selon lui. 

Le Pacte Roerich

L’année 1928 vit la première rédaction du « Pacte Roerich ». Professant inlassablement la culture et la beauté face aux horreurs de la guerre et de la destruction, c’est par une série de conférences internationales que Roerich assurera la promotion et la nécessité de la mise en place de ce Pacte qui connaît un succès grandissant, de sorte que de multiples sociétés et comités de la bannière de la Paix commencent à se constituer à travers diverses régions du monde.

Convaincu que seule la culture de la beauté amènera la lumière de la paix à l’humanité, Roerich voit enfin poindre en 1933 l’aube tant attendue de son Pacte. En effet, le 17 décembre se tient à Washington la troisième convention internationale dédiée au Pacte et à la Bannière de la Paix, où pas moins de 35 pays seront représentés : Argentine, Chine, Tchécoslovaquie, République Dominicaine, Grèce, Japon, Perse et bien d’autres encore ont envoyé un Ambassadeur, un Délégué ou un Secrétaire officiel. L’éclectisme de ce rendez-vous, dont le point d’orgue est le déploiement de la Bannière blanche de la Paix, accueillera également deux représentants de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose- Croix, dont Harvey Spencer Lewis, mentionné dans le registre des membres honoraires présents de l’édition intitulée The Roerich Pact and the Banner of Peace, publiée en 1947.

Un mois plus tard, la septième conférence panaméricaine de Montevideo adopte à l’unanimité les modalités du Pacte Roerich et de la Bannière de la Paix. Enfin, la consécration ultime du Pacte en Amérique vient de la Maison Blanche elle-même. Le Président des États-Unis, Théodore Roosevelt, le signera le 15 avril 1935 et fera dès lors de la Bannière de la Paix le nouvel étendard d’une union protectrice de l’éducation, de la culture et de l’art.

Lettres de N. Roerich à l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

L’A.M.O.R.C., qui s’était associé à la promulgation de la Bannière de la Paix,  a joué un grand rôle dans la reconnaissance de celle-ci sur la côte ouest des États-Unis, comme en témoignent deux lettres signées de l’artiste humaniste adressées à Harvey Spencer Lewis, conservées dans nos archives.

Ainsi, dans celle datée du 7 février 1933, en provenance de l’université Himalayenne de Naggar, en Inde, Nicolas Roerich commence par partager avec l’Imperator de l’A.M.O.R.C. ses craintes concernant les bouleversements politiques en Europe et la dégradation accrue des relations internationales auxquels il donne le nom évocateur de « Turmoil of Armaggeddon » (la tourmente d’Armageddon). Il confie ensuite son plaisir d’écrire des articles pour le Rosicrucian Digest et de prendre connaissance des activités rosicruciennes depuis les sommets enneigés de l’Himalaya, il en vient à évoquer son exaltation quant à l’accueil de la Bannière de la Paix dans le monde. « Cette Bannière de la Paix, » écrit-il à Harvey Spencer Lewis, « dont vous avez été le premier adhérent, progresse maintenant avec le plus grand enthousiasme à travers le monde. » Dans la seconde lettre, du 10 janvier 1934, Nicolas Roerich exprime d’abord toute la joie qu’il a ressentie en novembre 1933, lors de la tenue de la troisième convention de la Bannière de la Paix du Pacte Roerich en présence de nombreuses délégations étrangères et institutionnelles. Aussi, il confie à Harvey Spencer Lewis : « Nous n’oublierons certainement jamais que le Rosicrucian Museum a été le premier à déployer la Bannière  de  la  Paix sur la côte Ouest des États-Unis », et le remercie de toutes les communications  qu’il a assurées à propos de cette Convention à Washington.

On l’ignore souvent, mais l’A.M.O.R.C. s’est associé à la Bannière de la Paix et a joué un rôle dans la reconnaissance de celle-ci sur la côte ouest des États-Unis, par le soutien de Harvey Spencer Lewis, puisque comme le dit Nicolas Roerich lui-même dans son courrier, Harvey Spencer Lewis en fut le premier adhérent. Quoi qu’il en soit, en décembre 1934, le Rosicrucian Forum, organe réservé aux membres de l’A.M.O.R.C., rapportait dans un article intitulé « Universal Peace Flag », que le second exemplaire de l’Oriflamme de la Paix  fabriqué aux États-Unis depuis la signature le 17 novembre 1933 du Pacte Roerich, avait été spécialement adressé au Rosicrucian Museum en Californie, le premier flottant très certainement sur le Roerich Museum de New York.